Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/295

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était épuisé avec la satisfaction de la sensualité, et nous restions en face l’un de l’autre sous notre vrai jour, comme deux égoïstes complètement étrangers qui cherchent à se procurer le plus de plaisir possible l’un par l’autre. Ainsi, ce que j’appelais notre brouille était la mise au jour de notre véritable situation après l’apaisement de la volupté. Je ne me rendis pas compte que cette hostilité froide était notre état normal et je ne comprenais pas que cette première brouille serait bientôt noyée sous un nouveau flot de sensualité.

Je crus que nous nous étions querellés puis réconciliés et que cela ne nous arriverait plus. Mais, en cette même lune de miel arriva bientôt une période de satiété où nous cessâmes d’être nécessaires l’un à l’autre, et une nouvelle brouille éclata. Cette deuxième brouille me frappa encore plus que la première. « Alors la première n’était pas un hasard, c’était fatal et cela sera ainsi », pensai-je. Cette seconde querelle me stupéfia d’autant plus qu’elle avait une cause misérable : elle eut pour prétexte une question d’argent ; or, jamais je n’avais marchandé sur ce chapitre ; il m’était surtout impossible de le faire vis-à-vis de ma femme. Je me souviens seulement qu’à une remarque que je lui fis, elle insinua que mon intention était de la dominer au moyen de l’argent et que je basais sur l’argent mon droit sur elle ; enfin quelque chose de tout à fait impossible, de stupide