Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/304

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dans le monde et non de celle qu’on a inventée pour elle. L’éducation de la femme correspondra toujours à la façon dont l’homme envisage la femme. Nous tous savons comment les hommes envisagent les femmes : « Wein, Weib und Gesang », comme disent les poètes en leurs vers. Prenez toute la poésie, la peinture, la sculpture, en commençant par les poèmes d’amour et les Vénus et Phryné nues, vous verrez que la femme n’est qu’un instrument de plaisir. Elle est ainsi à Trouba, à Griatchevka[1] et à un bal de la Cour. Et songez à cette ruse diabolique : le plaisir, eh bien ! c’est le plaisir et l’on sait que la femme est un morceau fin. D’abord ce sont les chevaliers qui assurent qu’ils adorent la femme (ils l’adorent et la regardent tout de même comme un instrument de plaisir) et de nos jours, tous assurent estimer la femme. Les uns lui cèdent leur place, ramassent son mouchoir, les autres lui reconnaissent le droit d’occuper tous les emplois, de participer au gouvernement, etc. Malgré tout cela, le point essentiel demeure le même. Elle est un objet de volupté, son corps est un moyen de jouissance. Et elle le sait. C’est de l’esclavage, parce que l’esclavage n’est rien d’autre que l’utilisation du travail des uns à la jouissance des autres.

Pour que l’esclavage n’existe pas il faut que les uns se refusent à jouir du travail des autres et l’envisagent comme un péché, comme un acte hon-

  1. Quartiers mal famés de Moscou.