Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/337

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Et si elle n’est pas chez sa sœur ? Si elle va faire ou a déja fait quelque chose ? Onze heures, minuit… je ne dors pas. Je ne vais pas dans la chambre à coucher. C’est bête d’être étendu tout seul et d’attendre. Je cherche à m’occuper, écrire des lettres, lire. Impossible. Je suis seul, torturé, méchant, et j’écoute. Trois, quatre heures, elle n’est toujours pas là. Vers l’aube je m’endors. Je me réveille : elle n’est pas encore rentrée.

Tout dans la maison va comme auparavant, mais tous sont étonnés et me regardent, interrogativement. Les enfants m’observent avec reproche. Et toujours le même sentiment d’inquiétude pour elle, et de haine à cause de cette inquiétude.

Vers onze heures du matin arrive sa sœur, son ambassadrice. Alors commencent les phrases habituelles : « Elle est dans un état terrible !… Qu’est-ce donc ?… Mais rien n’est arrivé ! » Je parle de son caractère impossible et j’ajoute que je n’ai rien fait. « Mais cela ne peut pas durer ainsi, dit la sœur ». Je réponds : « — C’est son affaire et non la mienne. Je ne ferai pas le premier pas. Si elle veut divorcer, tant mieux. » La belle-sœur s’en va sans avoir rien obtenu. Je dis bravement, résolument, que je ne ferai pas le premier pas, mais à peine est-elle partie que je vais dans l’autre pièce ; là, je vois les enfants épouvantés, pitoyables… et déjà je suis prêt à faire le premier pas. Je le ferais volontiers, mais je ne sais comment m’y prendre.