Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/377

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Je voulus me lever, impossible. Le cœur me battait si fort que je ne tenais pas sur mes jambes. « Oui, je mourrai d’un coup de sang ! C’est elle qui me tuera. C’est ce qu’elle veut. Qu’est-ce que cela lui fait de tuer ? Mais elle serait trop heureuse. Je ne lui laisserai pas ce plaisir. Oui, moi je suis là et eux sont là-bas, ils mangent, ils rient, ils… Oui, bien qu’elle ne soit plus de la première jeunesse, il ne l’a pas dédaignée. Malgré tout elle n’est pas mal et surtout pas dangereuse pour sa santé à lui… Pourquoi ne l’ai-je pas étranglée alors, me dis-je me rappelant une autre scène, quand, la semaine dernière, je l’ai chassée de mon cabinet de travail et que j’ai brisé les meubles. » Et je me souvins précisément de l’état où je me trouvais alors. Non seulement je m’en souvins mais je sentis le même besoin de battre, de frapper, de détruire. Alors, brusquement, me vint le désir d’agir, et tous les raisonnements, excepté ceux qui étaient nécessaires à l’action, s’évanouirent. Je fus dans l’état de la bête ou de l’homme sous l’influence de l’excitation physique pendant un danger, lorsqu’on agit imperturbablement, sans hâte, aussi sans perdre une minute, en poursuivant un but précis.