Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/102

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que son attente n’était pas trompée, que rien ne l’empêcherait de parler, sa figure s’assombrit.

— Oh non ! répondit Kitty en s’asseyant près de la table.

— C’est précisément ce que je souhaitais, afin de vous trouver seule, commença-t-il sans s’asseoir et sans la regarder, pour ne pas perdre son courage.

— Maman viendra à l’instant. Elle s’est beaucoup fatiguée hier. Hier… »

Elle parlait sans se rendre compte de ce qu’elle disait, et ne le quittait pas de son regard suppliant et caressant.

Levine se tourna vers elle, ce qui la fit rougir et se taire.

« Je vous ai dit hier que je ne savais pas si j’étais ici pour longtemps, que cela dépendait de vous. »

Kitty baissait la tête de plus en plus, ne sachant pas elle-même ce qu’elle répondrait à ce qu’il allait dire.

« Que cela dépendait de vous, répéta-t-il. Je voulais dire — dire — c’est pour cela que je suis venu… Serez-vous ma femme ? » murmura-t-il sans savoir ce qu’il disait, mais avec le sentiment d’avoir fait le plus difficile. Il s’arrêta ensuite et la regarda.

Kitty ne relevait pas la tête ; elle respirait avec peine, et le bonheur remplissait son cœur. Jamais elle n’aurait cru que l’aveu de cet amour lui causerait une impression aussi vive. Mais cette impression ne dura qu’un instant. Elle se souvint de Wronsky, et, levant son regard sincère et limpide sur