Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/145

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— Il a bavardé. Je serais enchantée si cela se faisait, j’ai voyagé hier avec la mère de Wronsky et elle n’a cessé de me parler de ce fils bien-aimé ; je sais que les mères ne sont pas impartiales, mais…

— Que vous a dit sa mère ?

— Bien des choses, c’est son favori ; néanmoins on sent que ce doit être une nature chevaleresque ; elle m’a raconté, par exemple, qu’il avait voulu abandonner toute sa fortune à son frère ; que dans son enfance il avait sauvé une femme qui se noyait ; en un mot, c’est un héros », ajouta Anna en souriant et en se souvenant des deux cents roubles donnés à la gare.

Elle ne rapporta pas ce dernier trait, qu’elle se rappelait avec un certain malaise ; elle y sentait une intention qui la touchait de trop près.

« La comtesse m’a beaucoup priée d’aller chez elle, continua Anna, et je serais contente de la revoir ; j’irai demain… Stiva reste, Dieu merci, longtemps avec Dolly, ajouta-t-elle en se levant d’un air un peu contrarié, à ce que crut remarquer Kitty.

— C’est moi qui serai le premier ! non, c’est moi, criaient les enfants qui venaient de finir leur thé, et qui rentraient dans le salon en courant vers leur tante Anna.

— Tous ensemble ! » dit-elle en allant au-devant d’eux. Elle les prit dans ses bras et les jeta tous sur un divan, en riant de leurs cris de joie.