Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/163

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payer sa part de la succession de leur mère et enfin de sa dernière aventure, lorsque, ayant pris un emploi dans les gouvernements de l’ouest, il fut traduit en jugement pour coups portés à un supérieur. Tout cela était odieux, mais pour Levine l’impression était moins mauvaise que pour ceux qui ne connaissaient pas Nicolas, car il s’imaginait connaître le fond de ce cœur et sa véritable histoire.

Levine n’oubliait pas qu’au temps où Nicolas avait cherché dans les pratiques de la dévotion un frein à ses mauvaises passions, personne ne l’avait approuvé ou soutenu ; chacun, au contraire, lui le premier, l’avait tourné en ridicule ; puis, lorsque était venue la chute, personne ne chercha à le relever : on le fuyait avec horreur et dégoût.

Levine sentait que Nicolas, dans le fond de son âme, ne devait pas se trouver plus coupable que ceux qui le méprisaient. Était-il responsable de sa nature indomptable, de son intelligence bornée ? N’avait-il pas cherché à rester dans la bonne voie ? « Je lui parlerai à cœur ouvert et l’obligerai à en faire autant, et je lui prouverai que je le comprends parce que je l’aime. »

Il se fit donc conduire à l’hôtel indiqué sur l’adresse, vers onze heures du soir.

« En haut, aux numéros 12 et 13, répondit le suisse de l’hôtel.

— Est-il chez lui ?

— Probablement. »

La porte du numéro 12 était entr’ouverte, et il