Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/224

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Les soucis d’une nombreuse famille lui imposaient d’ailleurs une charge si lourde !

« Comment vont les enfants ? demanda la princesse.

— Ah ! maman, nous avons bien des misères ! Lili est au lit, et je crains qu’elle n’ait la scarlatine. Je suis sortie aujourd’hui pour savoir où vous en étiez, car j’ai peur de ne plus pouvoir sortir ensuite. »

Le vieux prince entra à ce moment, offrit sa joue aux baisers de Dolly, causa un peu avec elle, puis, s’adressant à sa femme :

« Qu’avez-vous décidé ? Partez-vous ? Et que ferez-vous de moi ?

— Je crois, Alexandre, que tu feras mieux de rester.

— Comme vous voudrez.

— Pourquoi papa ne viendrait-il pas avec nous, maman ? dit Kitty : ce serait plus gai pour lui et pour nous. »

Le vieux prince alla caresser de la main les cheveux de Kitty ; elle leva la tête, et sourit avec effort en le regardant ; il lui semblait toujours que son père seul, quoiqu’il ne dît pas grand’chose, la comprenait. Elle était la plus jeune, par conséquent la favorite du vieux prince, et son affection le rendait clairvoyant, croyait-elle. Quand son regard rencontra celui de son père, qui la considérait attentivement, il lui sembla qu’il lisait dans son âme, et y voyait tout ce qui s’y passait de mauvais. Elle rougit, se