Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/27

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demanda Stépane Arcadiévitch, prenant le télégramme et s’asseyant devant le miroir.

— Ils sont sur la table », répondit Matvei en jetant un coup d’œil interrogateur et plein de sympathie à son maître ; puis, après une pause, il ajouta avec un sourire rusé :

« On est venu de chez le loueur de voitures. »

Stépane Arcadiévitch ne répondit pas et regarda Matvei dans le miroir ; ce regard prouvait à quel point ces deux hommes se comprenaient. « Pourquoi dis-tu cela ? » avait l’air de demander Oblonsky.

Matvei, les mains dans les poches de sa jaquette, les jambes un peu écartées, répondit avec un sourire imperceptible :

« Je leur ai dit de revenir dimanche prochain et d’ici là de ne pas déranger Monsieur inutilement. »

Stépane Arcadiévitch ouvrit le télégramme, le parcourut, corrigea de son mieux le sens défiguré des mots, et son visage s’éclaircit.

« Matvei, ma sœur Anna Arcadievna arrivera demain, dit-il en arrêtant pour un instant la main grassouillette du barbier en train de tracer à l’aide du peigne une raie rose dans sa barbe frisée.

— Dieu soit béni ! » répondit Matvei d’un ton qui prouvait que, tout comme son maître, il comprenait l’importance de cette nouvelle, — en ce sens qu’Anna Arcadievna, la sœur bien-aimée de son maître, pourrait contribuer à la réconciliation du mari et de la femme.