Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/308

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« Au moins vous avez, vous, une bonne parole à donner, dit Agathe Mikhaïlovna, tandis que Constantin Dmitritch, ne trouvât-il qu’une croûte de pain, la mangerait sans rien dire, et s’en irait. »

Levine, malgré ses efforts pour dominer son humeur triste et sombre, restait morose ; il y avait une question qu’il ne se décidait pas à faire, ne trouvant ni l’occasion de la poser à son ami, ni la forme à lui donner. Stépane Arcadiévitch était rentré dans sa chambre, s’était déshabillé, lavé, revêtu d’une belle chemise tuyautée et enfin couché, que Levine rôdait encore autour de lui, causant de cent bagatelles, sans avoir le courage de demander ce qui lui tenait à cœur.

« Comme c’est bien arrangé, dit-il en sortant du papier qui l’enveloppait un morceau de savon parfumé, attention d’Agathe Mikhaïlovna dont Oblonsky ne profitait pas. Regarde donc, c’est vraiment une œuvre d’art.

— Oui, tout se perfectionne, de notre temps, dit Stépane Arcadiévitch avec un bâillement plein de béatitude. Les théâtres, par exemple, et — bâillant encore — ces amusantes lumières électriques.

— Oui, les lumières électriques, répéta Levine… Et ce Wronsky, où est-il maintenant ? demanda-t-il tout à coup en déposant son savon.

— Wronsky ? dit Stépane Arcadiévitch en cessant de bâiller, il est à Pétersbourg. Il est parti peu après toi, et n’est plus revenu à Moscou. Sais-tu, Kostia, continua-t-il en s’accoudant à la table pla-