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CHAPITRE XXII


L’averse fut de courte durée, et lorsque Wronsky arriva au grand trot de son cheval de brancard, les chevaux de volée galopant à toutes brides dans la boue, le soleil avait déjà reparu et faisait scintiller les toits des villas et le feuillage mouillé des vieux tilleuls, dont l’ombre se projetait des jardins du voisinage dans la rue principale. L’eau coulait des toits, et les branches des arbres semblaient secouer gaiement leurs gouttes de pluie. Il ne pensait plus au tort que l’averse pouvait faire au champ de courses, mais se réjouissait en songeant que, grâce à la pluie, elle serait seule ; car il savait qu’Alexis Alexandrovitch, revenu d’un voyage aux eaux depuis quelques jours, n’avait pas encore quitté Pétersbourg pour la campagne.

Wronsky fit arrêter ses chevaux à une petite distance de la maison, et, afin d’attirer l’attention aussi peu que possible, il entra dans la cour à pied, au lieu de sonner à la porte principale qui donnait sur la rue.

« Monsieur est-il arrivé ? demanda-t-il à un jardinier.

— Pas encore, mais madame y est. Veuillez sonner, on vous ouvrira.

— Non, je préfère entrer par le jardin. »