Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/365

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« Hé, bonjour, jeune homme ! nous avons grandi, nous devenons tout à fait grand garçon. »

Et il tendit la main à l’enfant troublé. Serge avait toujours été timide avec son père, mais depuis que celui-ci l’appelait « jeune homme », et depuis qu’il se creusait la tête pour savoir si Wronsky était un ami ou un ennemi, il était devenu plus craintif encore. Il se tourna vers sa mère comme pour chercher protection ; il ne se sentait à l’aise qu’auprès d’elle. Pendant ce temps Alexis Alexandrovitch prenait son fils par l’épaule et interrogeait la gouvernante sur son compte. Anna vit le moment où l’enfant, se sentant malheureux et gêné, allait fondre en larmes. Elle avait rougi en le voyant entrer, et, remarquant son embarras, elle se leva vivement, souleva la main d’Alexis Alexandrovitch pour dégager l’épaule de l’enfant, l’embrassa et l’emmena sur la terrasse. Puis elle vint rejoindre son mari.

« Il se fait tard, dit-elle en consultant sa montre. Pourquoi Betsy ne vient-elle pas ?

— Oui, dit Alexis Alexandrovitch en faisant craquer les jointures de ses doigts et en se levant. Je suis aussi venu t’apporter de l’argent : tu dois en avoir besoin, car on ne nourrit pas de chansons les rossignols.

— Non… oui… j’en ai besoin, dit Anna en rougissant jusqu’à la racine des cheveux sans le regarder ; mais tu reviendras après les courses ?

— Oh oui, répondit Alexis Alexandrovitch. Et voici la gloire de Péterhof, la princesse Tverskoï,