Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/457

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La toilette des enfants était à moitié faite lorsque des paysannes endimanchées passèrent devant la cabine de bain et s’arrêtèrent timidement. Matrona Philémonovna héla l’une d’elles pour lui donner à faire sécher du linge tombé à la rivière, et Daria Alexandrovna leur adressa la parole. Les paysannes commencèrent par rire, en se cachant la bouche de la main, ne comprenant pas bien ses questions, mais elles s’enhardirent peu à peu, et gagnèrent le cœur de Dolly par leur sincère admiration des enfants.

« Regarde-la donc : est-elle jolie ? et blanche comme du sucre ! dit l’une d’elles en montrant Tania… mais bien maigre ! ajouta-t-elle en secouant la tête.

— C’est parce qu’elle a été malade.

— Et celui-ci, le baigne-t-on aussi ? dit une autre en désignant le dernier-né.

— Oh non, il n’a que trois mois, répondit Dolly avec fierté.

— Vrai ?

— Et toi, as-tu des enfants ?

— J’en ai eu quatre : il m’en reste deux, fille et garçon. J’ai sevré le dernier avant le carême.

— Quel âge a-t-il ?

— Il est dans sa deuxième année.

— Pourquoi l’as-tu nourri si longtemps ?

— C’est l’usage chez nous : trois carêmes. »

On continua à causer des enfants, de leurs maladies, du mari ; le voyait-on souvent ?