Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/528

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— Et puis, des hommes comme toi sont nécessaires.

— À qui ?

— À qui ? À la société, à la Russie. La Russie a besoin d’hommes, elle a besoin d’un parti : sinon tout ira à la diable.

— Qu’entends-tu par là ? Le parti de Bertenef contre les communistes russes ?

— Non, dit Serpouhowskoï avec une grimace, à l’idée qu’on pût le soupçonner d’une semblable bêtise. Tout cela, c’est une blague : ce qui a toujours été sera toujours. Il n’y a pas de communistes, mais des gens qui ont besoin d’inventer un parti dangereux quelconque, par esprit d’intrigue. C’est le vieux jeu. Ce qu’il faut, c’est un groupe puissant d’hommes indépendants comme toi et moi.

— Pourquoi cela ? — Wronsky nomma quelques personnalités influentes ; — ceux-là ne sont cependant pas indépendants.

— Ils ne le sont pas, uniquement parce que de naissance ils n’ont pas eu d’indépendance matérielle, de nom, qu’ils n’ont pas, comme nous, vécu près du soleil. L’argent ou les honneurs peuvent les acheter, et pour se maintenir il leur faut suivre une direction à laquelle eux-mêmes n’attachent parfois aucun sens, qui peut être mauvaise, mais dont le but est de leur assurer une position officielle et certains appointements. Cela n’est pas plus fin que cela, quand on regarde dans leur jeu. Je suis peut-être pire, ou plus bête qu’eux, ce qui n’est pas