Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/565

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vos écoles, comme remède pour le peuple, que je compare à celui de la sage-femme. L’essentiel ne serait-il pas de guérir d’abord la misère ?

— Vous arrivez aux mêmes conclusions qu’un homme que vous n’aimez guère, Spencer. Il prétend que la civilisation peut résulter d’une augmentation de bien-être, d’ablutions plus fréquentes, mais que l’alphabet et les chiffres n’y peuvent rien.

— Tant mieux ou tant pis pour moi, si je me trouve d’accord avec Spencer ; mais croyez bien que ce ne seront jamais les écoles qui civiliseront notre peuple.

— Vous voyez cependant que l’instruction devient obligatoire dans toute l’Europe.

— Mais comment vous entendez-vous sur ce chapitre avec Spencer ? »

Les yeux de Swiagesky se troublèrent et il dit en souriant :

« L’histoire de votre paysanne est excellente. — Vous l’avez entendue vous-même ? — Vraiment ? »

Décidément ce qui amusait cet homme était le procédé du raisonnement, le but lui était indifférent.

Cette journée avait profondément troublé Levine. Swiagesky et ses inconséquences, le vieux propriétaire qui, malgré ses idées justes, méconnaissait une partie de la population, la meilleure peut-être,… ses propres déceptions, tant d’impressions diverses produisaient dans son âme une sorte d’agitation et d’attente inquiète. Il se coucha, et passa une