Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Cela m’est égal.

— À l’hôtel d’Angleterre alors, dit Stépane Arcadiévitch, qui choisissait ce restaurant parce qu’il y devait plus d’argent qu’à l’Ermitage et qu’il trouvait, pour ainsi dire, indigne de lui, de le négliger. Tu as un isvostchik : tant mieux, car j’ai renvoyé ma voiture. »

Pendant tout le trajet, les deux amis gardèrent le silence. Levine pensait à ce que pouvait signifier le changement survenu en Kitty, et se rassurait pour retomber aussitôt dans le désespoir, et se répéter qu’il était insensé d’espérer. Malgré tout, il se sentait un autre homme, ne ressemblant en rien à celui qui avait existé avant le sourire et les mots « au revoir ».

Stépane Arcadiévitch composait le menu.

« Tu aimes le turbot, n’est-ce pas ? demanda-t-il à Levine au moment où ils arrivaient.

— Quoi ? demanda Levine.

— Le turbot.

— Oui, j’aime le turbot à la folie.


CHAPITRE X


Levine lui-même ne put s’empêcher de remarquer, en entrant dans le restaurant, l’espèce de rayonnement contenu exprimé par la physionomie, par toute la personne de Stépane Arcadiévitch. Celui-ci ôta son paletot et, le chapeau posé de côté,