Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XVII


L’hôtel de province où se mourait Nicolas Levine était un de ces établissements de construction récente, ayant la prétention d’offrir à un public peu habitué à ces raffinements modernes la propreté, le confort et l’élégance, mais que ce même public avait vite transformé en un cabaret mal tenu. Tout y produisit à Levine un effet pénible : le soldat en uniforme sordide servant de suisse et fumant une cigarette dans le vestibule, l’escalier de fonte, sombre et triste, le garçon en habit noir couvert de taches, la table d’hôte ornée de son affreux bouquet de fleurs en cire, grises de poussière, l’état général de désordre et de malpropreté, et jusqu’à une activité pleine de suffisance, qui lui parut tenir du ton à la mode introduit par les chemins de fer : tout cet ensemble ne cadrait en rien avec ce qui les attendait, et ils y trouvaient un contraste pénible avec leur bonheur de si fraîche date.

Les meilleures chambres se trouvèrent occupées. On leur offrit une chambre malpropre en leur en promettant une autre pour le soir. Levine y conduisit sa femme, vexé de voir ses prévisions si vite réalisées, et d’être forcé de s’occuper de l’installer au lieu de courir vers son frère.

« Va, va vite ! » dit-elle d’un air contrit.

Il sortit sans mot dire et se heurta près de la porte à Marie Nicolaevna qui venait d’apprendre son arri-