Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/223

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et se borna, en le congédiant, à la formule habituelle : « Vous aurez la bonté de me préparer ce travail… »

Le docteur, dont Karénine savait les sentiments bienveillants, était fort occupé, et il semblait qu’il se fût conclu un pacte tacite entre eux, par lequel tous deux se supposaient surchargés de besogne et forcés d’abréger leurs entretiens.

Quant aux amies, et à la principale d’entre elles, la comtesse Lydie, Karénine n’y songeait même pas. Les femmes lui faisaient peur, et il n’éprouvait pour elle que de l’éloignement.


CHAPITRE XXII


Mais si Alexis Alexandrovitch avait oublié la comtesse Lydie, celle-ci pensait à lui. Elle arriva précisément à cette heure de désespoir solitaire où, la tête entre ses mains, il s’était affaissé immobile et sans force. Elle n’attendit pas qu’on l’annonçât et pénétra dans le cabinet de Karénine.

« J’ai forcé la consigne, dit-elle, entrant à pas rapides, essoufflée par l’émotion et l’agitation. Je sais tout ! Alexis Alexandrovitch, mon ami ! » Et elle lui serra la main entre les siennes et le regarda de ses beaux yeux profonds.

Karénine se leva, dégagea sa main en fronçant le sourcil, et lui avança un siège.

« Veuillez vous asseoir ; je ne reçois pas parce que