Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/276

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shine, jetant un coup d’œil sur le visage sombre de son camarade. La croupe est fuyante, mais quelles jambes et quelle tête ! on ne saurait mieux trouver.

— Aussi je pense bien le prendre, » répondit Wronsky.

Tout en causant avec son ami, la pensée d’Anna ne le quittait pas, et involontairement il écoutait ce qui se passait dans le corridor, et regardait la pendule.

« Anna Arcadievna fait dire qu’elle est partie pour le théâtre », annonça un domestique.

Yavshine versa encore un petit verre dans l’eau gazeuse, l’avala et se leva en boutonnant son uniforme.

« Eh bien ? partons-nous ? dit-il souriant à moitié sous ses longues moustaches, et montrant ainsi qu’il comprenait la cause de la contrariété de Wronsky, sans y attacher d’importance.

— Je n’irai pas, répondit Wronsky tristement.

— Moi j’ai promis, je dois y aller ; au revoir ! si tu te ravises, prends le fauteuil de Krasinski qui est libre, ajouta-t-il en sortant.

— Non, j’ai à travailler. »

« On a des ennuis avec sa femme, mais, avec une maîtresse c’est encore pis », pensa Yavshine en quittant l’hôtel.

Wronsky, resté seul, se leva et se prit à marcher de long en large.

« C’est aujourd’hui le 4e abonnement : mon frère y sera avec sa femme, avec ma mère probablement, c’est-à-dire tout Pétersbourg ! elle entre en ce mo-