Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/304

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— Quand tu seras parti ; j’irai seule, cela ne gênera personne, et je tiens à voir Anna ; c’est une femme que je plains et que j’aime.

— Parfaitement, répondit Stépane Arcadiévitch. Et toi, Kitty ?

— Moi ? qu’irais-je faire chez elle ? dit Kitty, que cette question fit rougir de contrariété.

— Vous connaissez Anna Arcadievna ? demanda Weslowsky, c’est une femme bien séduisante.

— Oui, répondit Kitty rougissant toujours plus ; et, jetant un coup d’œil à son mari, elle se leva pour aller le rejoindre. « Ainsi tu vas demain à la chasse ? » lui demanda-t-elle.

La jalousie de Levine, en voyant Kitty rougir, ne connut plus de bornes, et sa question lui sembla une preuve d’intérêt pour ce jeune homme dont elle était évidemment éprise, et qu’elle désirait occuper agréablement.

« Certainement, répondit-il d’une voix contrainte qui lui fit horreur à lui-même.

— Passez plutôt la journée de demain avec nous ; Dolly n’a guère profité de la visite de son mari. »

Levine traduisit ainsi ces mots : « Ne me sépare pas de lui, tu peux t’en aller, mais laisse-moi jouir de la présence enchanteresse de cet aimable étranger. » Vassinka, sans soupçonner l’effet produit par sa présence, s’était levé de table pour rejoindre Kitty, avec un sourire caressant.

« Comment ose-t-il se permettre de la regarder ainsi ! » pensa Levine, pâle de colère.