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les buissons, des vautours perchés sur les tas de blé regardaient leur domaine d’un air mécontent, et les corneilles voletaient dans les champs. La fumée du fusil blanchissait l’herbe verte comme une traînée de lait. Un des dormeurs avait déjà remis son caftan, et des enfants ramenaient les chevaux sur la route.

« Petit oncle, cria un des gamins à Levine, il y a aussi des canards par ici, nous en avons vu hier. »

Levine éprouva un certain plaisir à tuer encore deux bécasses devant l’enfant.


CHAPITRE XIII


La superstition du premier coup de fusil ne se trouva pas vaine ; Levine rentra vers dix heures fatigué, affamé, mais enchanté, après avoir parcouru une trentaine de verstes, tué dix-neuf bécasses et un canard, que, faute de place dans son carnier, il suspendit à sa ceinture. Ses compagnons, levés depuis longtemps, avaient eu le loisir de mourir de faim en l’attendant, puis de déjeuner.

Le sentiment d’envie de Stépane Arcadiévitch à la vue de ces petites bêtes, la tête penchée, repliées sur elles-mêmes, si différentes de ce qu’elles étaient sur les marais, causa un certain plaisir à Levine. Pour comble de bonheur, il trouva un billet de Kitty.

« Je vais à merveille, écrivait-elle, et si tu ne me crois pas suffisamment gardée, rassure-toi en appre-