Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/432

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sœurs avait été gai ; cependant, Levine ne rentrant pas, la soirée leur avait paru longue.

« Qu’es-tu devenu ? lui demanda-t-elle, remarquant un éclat suspect dans ses yeux, mais se gardant bien de le dire pour ne pas arrêter son expansion.

— J’ai rencontré Wronsky au club et j’en suis bien aise ; cela s’est passé naturellement, et dorénavant il n’y aura plus de gêne entre nous, quoique mon intention ne soit pas de rechercher sa société. » Et tout en disant ces mots il rougit, car pour « ne pas rechercher sa société » il avait été chez Anna en sortant du club. « Nous nous plaignons des tendances du peuple à l’ivrognerie, mais je crois que les hommes du monde boivent tout autant, et ne se bornent pas à se griser les jours de fête. »

Kitty s’intéressait beaucoup plus à la cause de la rougeur subite de son mari qu’aux tendances du peuple à l’ivrognerie ; aussi reprit-elle ses questions :

« Qu’as-tu fait après le dîner ?

— Stiva m’a tourmenté pour l’accompagner chez Anna Arcadievna », répondit-il, rougissant de plus en plus et ne doutant pas cette fois du peu de convenance de sa visite.

Les yeux de Kitty lancèrent des éclairs, mais elle se contint et dit simplement :

« Ah !

— Tu n’es pas fâchée ? Stiva me l’a demandé avec tant d’insistance, et je savais que Dolly le désirait également.