Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/115

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en lui un os qui ne plie pas. Mais où est cet os chez l’homme civilisé qui se vend comme esclave au gouvernement ? Quelle est cette chose sacrée qu’il ne cédera jamais ? Elle n’existe pas. Il est entièrement mou et se plie tout entier. S’il y avait pour lui quelque chose de sacré, alors, à en juger par tout ce qu’on raconte dans son monde avec un pathos hypocrite, ce devrait être l’humanité, c’est-à-dire le respect de l’homme dans ses droits, dans sa liberté, dans sa vie. Et quoi ? Lui, le savant éclairé qui, dans les écoles supérieures, a appris tout ce que l’esprit humain a élaboré avant lui, lui qui se place au-dessus de la foule, lui qui parle sans cesse de la liberté, des droits, de l’intangibilité de la vie humaine, on le prend, on le revêt d’un costume grotesque, on lui ordonne de se redresser, de saluer, de s’humilier devant tous ceux qui portent sur leur habit un galon de plus, de promettre de tuer frères et parents, et il est prêt à tout cela, il demande seulement quand et comment on le lui ordonnera. Demain, libéré, avec une importance nouvelle il recommencera à prêcher les droits, la liberté, l’intangibilité de la vie humaine, etc., etc.

Et voilà ! Avec de pareils hommes qui promettent de tuer leurs parents, les libéraux, les socialistes, les anarchistes, en général les hom-