Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/121

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neuf siècles n’a été acceptée et admise que d’une façon extérieure. Si cette doctrine connue depuis si longtemps n’est pas encore devenue le guide de la vie des hommes, si tant de martyrs du christianisme ont souffert en vain sans changer l’ordre existant, n’est-ce pas la preuve évidente que cette doctrine n’est pas la vraie et n’est pas réalisable ? disent les hommes.

Parler et penser ainsi c’est la même chose que dire et penser d’un grain qui ne donne pas immédiatement des fleurs et des fruits et se disloque dans la terre qu’il est mauvais et stérile.

Le fait que la doctrine du Christ ne fut pas acceptée dans toute son importance au moment où elle parut, et ne fut admise qu’en une forme extérieure, altérée, était inévitable et nécessaire.

Une doctrine qui détruisait toute l’ancienne contemplation du monde et en établissait une nouvelle ne pouvait être acceptée d’un coup dans toute son importance, elle ne pouvait l’être que sous un aspect extérieur, et déformée. Et, en même temps, son acceptation sous cette forme était nécessaire pour que les hommes, incapables de comprendre la doctrine et la voie morale, fussent amenés, par la vie même, à l’accepter dans toute sa vérité.