Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/26

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plus possible les passions et la haine en ces hommes pacifiques, laborieux, qui, par leur travail, nourrissent, vêtent, entretiennent ces mêmes hommes — soi-disant éclairés — qui les forcent de commettre ces actes terribles contraires à leur conscience, au bien et à la religion.


II


Micromégas parla ainsi :

« Ô atome intelligents, dans qui l’être éternel s’est plu à manifester son adresse et sa puissance, vous devez, sans doute, goûter des joies bien pures sur votre globe ; car, ayant si peu de matière, et paraissant tout esprit, vous devez passer votre vie à aimer et à penser ; c’est la véritable vie des esprits. Je n’ai vu nulle part le vrai bonheur, mais ici il est sans doute. » À ce discours tous les philosophes secouèrent la tête ; et l’un d’eux, plus franc que les autres, avoua de bonne foi que, si l’on en excepte un petit nombre d’habitants fort peu considérés, tout le reste est un assemblage de fous, de méchants et de malheureux. « Nous avons plus de matière qu’il ne nous en faut, dit-il, pour faire beaucoup de mal, si le mal vient de la matière, et trop d’esprit, si le mal vient de l’esprit. Savez-vous bien, par exemple, qu’à l’heure où je vous parle, il y a cent mille fous de notre espèce, couverts de chapeaux, qui tuent cent mille autres animaux couvert d’un turban, ou qui sont massacrés