Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/88

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passer. Cela paraît insensé et terrible. Et cependant cela fut : 60.000 vies, soixante mille soutiens de famille périrent par la volonté de ces hommes. Maintenant, il se passe la même chose.

Pour ne pas laisser entrer les Japonais en Mandchourie et les chasser de la Corée, il faudra, selon toutes probabilités, non pas dix, mais cinquante mille hommes et plus. Je ne sais pas si Nicolas II et Kouropatkine ont dit, comme autrefois Dibitch, que pour cela il ne Faudra pas plus de cinquante mille vies russes et c’est tout, mais ils le pensent et ne peuvent pas ne pas le penser, parce que l’œuvre qu’ils font parle d’elle-même. Ce flot incessant de malheureux paysans russes qu’on emmène par milliers en Extrême-Orient sont ces mêmes pas plus de cinquante mille Russes vivants que Nicolas Romanof et Alexis Kouropatkine ont décidé de faire tuer pour soutenir les bêtises, les pillages, les lâchetés de toutes sortes qu’ont faites, en Chine et en Corée, des hommes immoraux et ambitieux qui, maintenant, assis tranquillement dans leurs palais, attendent de nouveaux lauriers et de nouveaux profits du meurtre de ces 50.000 hommes innocents, de ces malheureux ouvriers russes trompés qui n’acquièrent rien par leurs souffrances et leur mort.

Pour une terre étrangère à laquelle les Russes