Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/345

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

efforcée de l’atteindre, et dans la tenue de la maison elle avait réalisé précisément ce qu’il désirait. Les enfants manquaient, mais on avait de l’espoir. Dans le courant de l’hiver ils étaient allés à Pétersbourg consulter un spécialiste, qui leur avait affirmé que Lise était très bien portante et pouvait avoir des enfants.

Et ce désir se réalisa ; à la fin de l’année, Lise se trouva de nouveau enceinte.


VIII

Une seule chose menaçait leur bonheur : sa jalousie ; jalousie qu’elle refoulait, ne montrait pas, mais dont elle souffrait souvent. Non seulement Eugène ne pouvait aimer personne, parce qu’il n’existait pas au monde de femme digne de lui (était-elle digne de lui ou non, cela, elle ne se le demandait jamais), mais parce que pas une femme ne pouvait oser l’aimer. Tout allait bien. Ils vivaient à la campagne, seuls. Même la belle-mère, qui troublait un peu leur calme, était partie ; seule Marie Pavlovna, avec laquelle Lise était particulièrement amie, venait et restait chez elle des semaines entières. Leur vie était des plus heureuses et des plus douces. La besogne d’Eugène marchait admirablement ; la santé de Lise, malgré son état, était excellente ; le lien entre les époux se resserrait de plus en plus, sans que rien y vint mettre obstacle.

Leur vie était réglée de la façon suivante : Eugène se levait toujours de très bonne heure, et se rendait aux champs ou à l’usine. Vers dix