Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/36

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après cette histoire, et surtout après le faux serment, lequel, malgré sa crainte, n’avait été suivi d’aucun châtiment, au contraire, on lui avait donné dix roubles, il acquit la conviction profonde qu’il n’y a aucune loi et qu’il faut vivre pour son plaisir. Et il vécut ainsi. D’abord il gratta sur les achats des locataires, mais c’était peu pour ses dépenses, et alors il commença à dérober de l’argent et les objets de valeur des appartements des locataires. Un jour, il vola la bourse d’Eugène Mikhaïlovitch. Celui-ci le prit sur le fait, mais ne porta pas plainte et se contenta de le renvoyer.

Vassili ne voulut pas retourner au village ; il resta à Moscou, avec sa maîtresse, et se chercha une place. Il en trouva une, pas brillante, une place de portier chez un épicier. Vassili l’accepta ; mais le lendemain même on le prit en flagrant délit de vol de sacs. Le patron ne déposa pas de plainte, mais rossa Vassili et le chassa.

Après cela il ne trouva plus de place. L’argent filait. Il dut engager ses vêtements, dépensa encore cet argent, et, à la fin des fins, resta avec un seul veston déchiré, un pantalon, et des chaussons de feutre. Sa maîtresse l’avait abandonné. Mais Vassili ne perdit pas sa bonne humeur, et, le printemps venu, il partit chez lui à pied.


IX

Piotr Nikolaievitch Sventitzky, un homme petit, trapu, portant des lunettes noires (il souffrait des yeux et était menacé de cécité complète),