Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/63

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se mit à discuter. Tous avaient écouté, mais seul Ivan Tchouieff s’était assimilé le texte, et assimilé de telle façon qu’il se mit à vivre en tout selon Dieu. Sa famille commença également à vivre ainsi. Il renonça à toute terre superflue, ne gardant que sa part. Et chez le tailleur comme chez Ivan, des gens commencèrent à venir et à comprendre, et, ayant compris, ils cessaient de fumer, de boire, de s’injurier, et s’entraidaient les uns les autres. Alors ils cessèrent d’aller à l’église, et remirent au pope les icônes. Dix-sept familles vécurent ainsi, en tout soixante-cinq personnes. Le pope, pris de crainte, prévint l’archevêque. Celui-ci, après avoir réfléchi aux mesures à prendre, résolut d’envoyer dans le bourg l’archimandrite Missaïl, ancien aumônier de lycée.


XIX


L’archevêque, ayant invité Missaïl à s’asseoir près de lui, se mit à lui raconter ce qui venait de se produire dans son diocèse.

— Tout cela est dû à la faiblesse spirituelle et à l’ignorance. Toi, tu es un savant, et je compte sur toi. Va, réunis le peuple et explique-toi devant tous.

— Si votre Éminence me donne sa bénédiction, je tâcherai de m’acquitter de ma mission, dit le père Missaïl. Il était heureux de cette mission. Tout ce qui pouvait démontrer qu’il croyait le réjouissait, et en exhortant les autres il se persuadait surtout à soi-même qu’il avait la foi.

— Tâche de réussir. Je souffre beaucoup pour mes fidèles, dit l’archevêque, en prenant lentement