Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/68

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Dans ses opinions sur les moyens de lutte contre l’ordre existant, elle allait plus loin que la plupart de ses camarades et que son ami Turine, et elle soutenait que, dans la lutte, tous les moyens sont bons et peuvent être employés, le meurtre inclusivement.

Et cependant cette même révolutionnaire Catherine Tourtchaninova était au fond de son âme une personne très bonne et très dévouée, qui toujours à son avantage, à son plaisir, à son bien-être préférait l’avantage, le plaisir et le bien-être des autres, et toujours se réjouissait sincèrement de l’occasion de faire quelque chose d’agréable à un enfant, à un vieillard, à un animal.

Tourtchaninova passait l’été dans un chef-lieu de district, sur la Volga, chez une amie, maîtresse d’école de village. Dans le même district Turine vivait chez son père. Tous les trois, avec un médecin du district, se voyaient souvent, échangeaient des livres, discutaient et se révoltaient. La propriété des Turine était voisine du domaine des Livensoff où Piotr Nikolaievitch était entré en qualité de gérant. Aussitôt que Piotr Nikolaievitch commença à établir l’ordre, le jeune Turine, remarquant chez les paysans des Livensoff leur esprit d’indépendance et leur ferme intention de défendre leurs droits, s’intéressa à eux et vint souvent au village causer avec eux, leur développant la théorie du socialisme en général, et de la nationalisation de la terre en particulier.

Quand survint le meurtre de Piotr Nikolaievitch, et qu’arriva le tribunal militaire, le groupe des révolutionnaires du chef-lieu de district eut un très fort motif de révolte et en parlait très librement. Les visites de Turine au village, ses