Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/83

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« Et il leur répondra : Je vous dis en vérité, qu’en tant que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, vous ne me l’avez pas fait non plus.

« Et ceux-ci s’en iront aux peines éternelles ; mais les justes s’en iront à la vie éternelle. »


Vassili, qui était assis par terre, près de Tchouieff, et écoutait la lecture, hocha approbativement sa belle tête.

— C’est juste ! dit-il résolument. Allez, maudits, dans les souffrances éternelles, vous qui n’avez nourri personne et n’avez fait que bâfrer. Il faut qu’il en soit ainsi. J’ai lu ça, dans Nicodème, dit-il, désirant se vanter de ce qu’il avait lu.

— Est-ce qu’il ne leur sera point pardonné ? demanda Stepan qui avait écouté en silence la lecture, en baissant sa tête chevelue.

— Attends. — Tais-toi, dit Tchouieff à Vassili qui ne s’arrêtait pas de dire que les riches n’ont pas nourri les pèlerins et ne l’ont pas visité en prison. — Attends, je t’en prie, répéta Tchouieff en feuilletant l’évangile. Quand il eut trouvé le passage qu’il cherchait, Tchouieff lissa la page avec sa grande et forte main blanchie par la prison, et lut (Luc xxiii, 32-43) :


« On menait aussi deux autres hommes, qui étaient des malfaiteurs, pour les faire mourir avec lui.

« Et quand ils furent au lieu appelé Calvaire, ils le crucifièrent là, et les malfaiteurs, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche.

« Mais Jésus disait : Mon Père ! pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. Puis, faisant le partage de ses vêtements, ils les jetèrent au sort.

« Le peuple se tenait là et regardait. Et les principaux se moquaient de lui avec le peuple,