Page:Tolstoï - Le Faux Coupon et autres contes.djvu/85

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a pardonné au brigand : cela signifiait que Christ était bon. Tout cela était tout nouveau pour Stepan. Il s’étonnait seulement que tout cela lui eût été caché jusqu’à présent. Et tout son temps libre il le passait avec Tchouieff, l’interrogeant et l’écoutant. Le sens général de toute la doctrine lui était révélé. Il consistait en ceci : que les hommes sont frères, qu’ils doivent s’aimer entre eux et avoir pitié les uns des autres, et qu’alors tout ira bien. Quand il écoutait Tchouieff, il saisissait comme quelque chose de connu, mais d’oublié, tout ce qui confirmait le sens général de cette doctrine, et négligeait ce qui ne la confirmait pas, attribuant cela à son manque de compréhension.

Et depuis ce temps Stepan devint un tout autre homme.


IV


Même auparavant, Stepan Pelaguschkine était doux, mais les derniers temps il étonnait le directeur, les surveillants et ses compagnons par le changement qui s’était opéré en lui. Sans en avoir reçu l’ordre, et bien que ce ne fût pas son tour, il se chargeait des travaux les plus pénibles, entre autres, le vidage du cuveau. Malgré cette humilité, ses compagnons le respectaient et le craignaient, car ils connaissaient son courage et sa grande force physique, surtout après une histoire avec deux vagabonds qui l’avaient attaqué et dont il s’était débarrassé après avoir cassé le bras à l’un d’eux. Ces vagabonds s’étaient entendus pour tricher aux cartes afin de dépouiller un jeune prisonnier qui avait de l’argent. Et, en effet, ils le dépouillèrent. Stepan intervint pour lui et reprit