Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/178

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« Eh bien, oui, puisque les gouvernements prennent ainsi le droit de mort sur les peuples, il n’y a rien d’étonnant à ce que les peuples prennent le droit de mort sur les gouvernements.

« Ils se défendent. Ils ont raison. Personne n’a le droit absolu de gouverner les autres. On ne le peut faire que pour le bien de ceux qu’on dirige. Quiconque gouverne a autant le devoir d’éviter la guerre qu’un capitaine de navire a celui d’éviter le naufrage.

« Quand un capitaine a perdu son bâtiment, on le juge et on le condamne, s’il est reconnu coupable de négligence ou même d’incapacité.

« Pourquoi ne jugerait-on pas le gouvernement après chaque guerre déclarée ? Si les peuples comprenaient cela, s’ils faisaient justice eux-mêmes des pouvoirs meurtriers, s’ils refusaient de se laisser tuer sans raison, s’ils se servaient de leurs armes contre ceux qui les leur ont données pour massacrer, ce jour-là la guerre serait morte… Mais ce jour ne viendra jamais. »

(Sur l’Eau, p. 71-80.)


L’auteur voit toute l’horreur de la guerre ; il voit qu’elle est causée par les gouvernements qui, en trompant les peuples, les poussent à s’entr’égorger sans aucune utilité ; il voit encore que les citoyens qui composent les armées pourraient tourner leurs armes contre les gouvernements et leur demander des comptes ; mais il pense que cela n’arrivera jamais, et que, par suite, aucune issue n’est possible.

« Je pense que l’œuvre de la guerre est terrible, mais qu’elle est inévitable ; que l’obligation du service militaire est aussi inévitable que la mort, et que, puisque