Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/261

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qui leur sera nécessaire, et que, par suite, l’état, loin d’y aider, sous le prétexte de donner aux hommes la sécurité, produit sur eux une influence nuisible et démoralisatrice. On ne peut prouver par un raisonnement abstrait ni l’une ni l’autre de ces thèses. Encore moins peut-on les démontrer par l’expérience, car il s’agit tout d’abord de savoir s’il faut la tenter ou non.

La question de savoir si le temps de renversement de l’état est arrivé ou non serait donc insoluble, s’il n’existait pas un autre moyen de la résoudre avec certitude.

Les poussins sont-ils assez développés pour qu’on éloigne la couveuse et qu’on les laisse sortir des œufs, ou est-il encore trop tôt ? C’est une question qu’ils décideront eux-mêmes lorsque ne pouvant plus tenir dans la coquille ils la briseront à coups de bec et en sortiront.

De même le temps est-il arrivé ou non pour les hommes de détruire la forme gouvernementale et de la remplacer par une nouvelle ? Si l’homme, par suite de la conscience supérieure qui est née en lui, ne peut plus accomplir les exigences de l’état, s’il ne peut plus s’y enfermer et en même temps n’a plus besoin de la protection de l’état, la question est résolue par les hommes eux-mêmes qui ont déjà dépassé la forme de l’état et qui en sont sortis comme le poussin est sorti de l’œuf, dans lequel aucune force au monde ne pourrait le faire rentrer.

« Il est fort possible que l’état ait été nécessaire et le soit encore aujourd’hui, pour tous les avantages que vous lui reconnaissez, » dit l’homme qui s’est assimilé la conception chrétienne de la vie. « Je sais seulement que pour moi, d’une part, je n’ai plus besoin de l’état, et, d’autre part, je ne peux plus commettre les actions qui sont nécessaires à son existence. Organisez-vous comme vous l’entendrez, moi je ne puis démontrer ni la nécessité ni l’inutilité de l’état, mais je sais ce dont j’ai