Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/366

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Cependant il se trouve parmi les riches, parmi les jeunes gens et les femmes surtout, des hommes que je rencontre heureusement de plus en plus souvent, qui, lorsqu’on leur montre par quoi et comment sont achetés leurs plaisirs, ne cherchent pas à cacher la vérité et, la tête entre les mains, disent : « Ah ! ne me parlez pas de cela. Si c’est ainsi, la vie est impossible. » Mais, s’il existe de ces personnes sincères, qui voient leur faute et ne peuvent pas y renoncer, la grande majorité des hommes de notre époque est tellement entrée dans son rôle d’hypocrisie qu’ils nient hardiment ce qui crève les yeux de tout voyant.

« Tout cela est injuste, disent-ils, personne ne force le peuple à travailler chez le propriétaire ou le fabricant. C’est une affaire de libre engagement. La grande propriété et les capitaux sont nécessaires parce qu’ils organisent le travail pour la classe ouvrière. D’ailleurs le travail dans les fabriques et les usines n’est nullement aussi terrible que vous le dites. Si même certains abus existent, le gouvernement et la société prennent des mesures pour les empêcher et rendre le travail de l’ouvrier plus facile et même agréable. La classe laborieuse est habituée aux travaux physiques et incapable, pour l’instant, de faire rien autre chose. Quant à la pauvreté du peuple, elle ne résulte nullement de la grande propriété foncière ni de la concentration des capitaux, mais d’autres causes : l’ignorance, le désordre, l’ivrognerie. Et nous, hommes de gouvernement, qui réagissons contre cet appauvrissement par une sage administration ; nous, capitalistes, qui réagissons par l’extension des inventions utiles ; nous, prêtres, par l’instruction religieuse ; nous, libéraux, par la formation d’associations ouvrières, la vulgarisation de l’instruction, nous augmentons par ces moyens, sans changer notre position,