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païenne de la vie n’ont et n’auront pas, en effet, d’autre issue, malgré toutes les horreurs de la guerre. — La société composée de tels membres doit périr ; aucune transformation sociale ne la sauvera. — La vie païenne est arrivée à ses dernières limites, elle se suicide 201
CHAPITRE IX
l’acceptation de la conception chrétienne de la vie préserve les hommes des malheurs de notre vie païenne
La vie extérieure des peuples chrétiens reste païenne, mais ils sont déjà pénétrés de la conscience chrétienne. — L’issue de cette contradiction est dans l’adoption de la conception chrétienne de la vie. — C’est par elle seule que l’homme est libre, c’est elle seule qui l’affranchit de tout pouvoir humain. — Cet affranchissement s’accomplit non pas par le changement des conditions extérieures de la vie, mais par la modification de la notion de la vie. — La conception chrétienne exige la suppression de la violence et, en affranchissant l’homme qui l’a adoptée, elle affranchit aussi le monde de tout pouvoir extérieur. — Le moyen de sortir de la situation actuelle, qui semble sans issue, est d’accepter et de pratiquer la conception chrétienne. — Mais les hommes considèrent cette voie comme trop longue et voient le salut dans le changement des conditions matérielles de la vie à l’aide du pouvoir gouvernemental. Cela ne conduira à rien parce que les hommes commettent eux-mêmes le mal dont ils souffrent. — Cela est rendu particulièrement évident par la soumission au service obligatoire, qu’il serait profitable pour chacun de refuser. — L’affranchissement des hommes ne s’accomplira que par l’affranchissement personnel de chaque individu, et les cas de cet affranchissement qui se produisent déjà menacent de renverser l’organisation sociale. — Le refus de se soumettre aux exigences antichrétiennes du gouvernement compromet son pouvoir et affranchit les hommes. — C’est pourquoi ces cas de refus sont plus menaçants pour les gouvernements que tous les complots et attentats. — Refus, en Russie, de prêter serment, de payer l’impôt, de prendre des passeports, d’occuper des fonctions de police, de participer à la justice, de servir dans l’armée. — Cas analogues dans les autres pays. — Les gouvernements ne savent quelle attitude prendre vis-à-vis des hommes qui refusent de se soumettre à leurs exigences, en se basant sur la doctrine chrétienne. — Ces hommes, sans lutter, détruisent intérieurement les bases gouvernementales. — Punir ces hommes, c’est renier soi-même le christianisme et aider à la propagation de la vérité au nom de laquelle ces refus sont faits. — C’est pourquoi la situation des gouvernements est désespérée, et les hommes qui prêchent l’inutilité de l’affranchissement personnel ne font que retarder la ruine de l’organisation sociale actuelle basée sur la violence 225