Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/69

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C’est là la principale cause de ce que la doctrine a été d’abord mal comprise et ensuite complètement dénaturée.

On a admis que la doctrine du Christ se transmet aux hommes, non pas comme toute autre vérité, mais par une voie spéciale, surnaturelle. De sorte qu’elle est démontrée, non pas par sa logique et son accord avec les nécessités de la vie humaine, mais par le caractère miraculeux de sa transmission. Cette supposition, qui est née de la compréhension imparfaite de la doctrine, a eu pour résultat l’impossibilité de la mieux comprendre.

Cela a eu lieu dès les premiers temps, lorsqu’on interprétait la doctrine d’une manière si incomplète et souvent si fausse, comme nous le voyons dans les Évangiles et les Actes. Moins elle était comprise, plus elle apparaissait mystérieuse et plus il était nécessaire de donner des preuves extérieures de sa vérité. Le précepte : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qui te fût fait, » n’a pas besoin d’être démontré à l’aide de miracles et n’exige pas un acte de foi, car il est convaincant par lui-même et satisfait à la fois l’intelligence et l’instinct humain, tandis que la divinité du Christ avait besoin d’être prouvée par des miracles absolument incompréhensibles.

Plus obscure était la notion de la doctrine du Christ, plus d’éléments miraculeux s’y mêlaient ; plus le merveilleux s’y mêlait, plus elle s’écartait de son sens et devenait obscure ; plus elle s’écartait de son sens et devenait obscure, plus il fallait affirmer avec force son infaillibilité et plus elle devenait incompréhensible.

Dès les premiers temps, on peut voir, d’après les Évangiles, les Actes, les Épîtres, comment l’intelligence du sens exact de la doctrine appelait la nécessité de preuves miraculeuses.