Page:Tolstoï - Les Rayons de l’aube.djvu/409

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chargé avec son père, voit en passant devant la maison du propriétaire, que sur la terrasse une dame élégante est assise devant un samovar brillant placé sur une table pleine de vaisselle, de gâteaux, de friandises.

De l’autre côté de la route, sur une petite place bien arrangée, il voit les deux fils du propriétaire qui, en chemises brodées et en souliers vernis, jouent à la balle. L’un d’eux a lancé la balle par dessus le chariot.

— Garçon, ramasse la balle, crie-t-il.

— Ramasse, Vaska, dit à son fils le père, qui a soulevé son chapeau, et marche près du chariot en tenant les guides.

— Qu’est-ce donc ? pense le gamin. Moi je suis fatigué de travail, eux s’amusent, et moi, je dois ramasser leur balle.

Mais il la ramasse, et le fils du propriétaire, sans le regarder, prend de sa main blanche la balle que tend la main noire du fils du paysan, et il retourne à son jeu. Le père avec le chariot est déjà plus loin. Le garçon le rattrape et ensemble ils entrent dans l’enclos du propriétaire rempli de chariots pleins de gerbes.

Un employé affairé, en veston de toile grise, le dos en sueur, le fouet à la main, aborde le paysan avec des injures, pour n’être pas entré où il faut. Le père s’excuse, et harassé de fati-