Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/241

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résister au méchant ; souvent même ils haïssent Jésus ; mais toute leur foi relativement à ce que doit être la vie est inconsciemment puisée dans ce fonds de vérité humanitaire et éternelle renfermée dans la doctrine chrétienne.

On aura beau les persécuter et les calomnier, ce sont les seuls qui ne se soumettent point sans protester aux ordres du premier venu ; par conséquent, ce sont les seuls à notre époque qui vivent d’une vie raisonnée, non pas de la vie animale ; ce sont les seuls qui aient de la foi.

Le lien qui reliait le monde à l’Église et que l’Église se chargeait de justifier est devenu de plus en plus faible. Aujourd’hui, il n’est plus qu’une entrave. L’union entre l’Église et le monde n’a plus de raison d’être.

C’est le procédé mystérieux de l’enfantement, et il s’accomplit sous nos yeux. Soudain se rompt le dernier lien avec l’Église, et, en même temps, l’organisme vital commence à fonctionner d’une façon indépendante.

La doctrine de l’Église avec ses dogmes, ses conciles, sa hiérarchie, est indubitablement liée à la doctrine de Jésus-Christ. Ce lien est tout aussi évident que le lien qui reliait à sa mère l’enfant qui vient de naître ; mais comme le cordon ombilical et l’arrière-faix deviennent, après la naissance, des morceaux de chair inutiles que l’on enterre avec soin par égard pour ce qu’ils contenaient, ainsi l’Église est devenue un organe inutile qui a fait son temps, qu’il faut conserver dans des archives quelconques par égard pour ce qu’elle a été auparavant. Aussitôt que la respiration et la circulation du sang sont établies, le lien qui était auparavant