Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

action, ne défend pas et ne considère pas comme telle l’action de juger sciemment le prochain, qui a pour conséquence la punition infligée au condamné ? ― À tout cela point de réponse ; pas la moindre allusion et la possibilité de donner au mot « juger » le sens de juger en justice, comprenant les tribunaux dont pâtissent des millions de personnes. Il y a plus ; à propos de ces paroles : « Ne jugez point et ne condamnez point, » cette forme cruelle de jugement en justice est passée sous silence ou bien même prônée. ― Les commentateurs théologiens déclarent que, dans les États chrétiens, les tribunaux sont nécessaires et nullement contraires à la loi de Jésus.

Voyant cela, je vins à douter de la bonne foi de ces commentateurs et j’eus recours à la traduction textuelle des mots : juger et condamner, ce par quoi j’aurais dû commencer.

Dans l’original ces mots sont : κρίνω et καταδικάζω. La traduction défectueuse du mot καταλαλέω, dans l’épître de Jacques, traduit par le mot « médire, » confirmait mes doutes sur la fidélité de la traduction.

Je cherche comment se traduisent dans les Évangiles les mots κρίνω et καταδικάζω en différentes langues et je trouve que, dans la « Vulgate, » le mot condamner est traduit « condemnare, » de même en slavon ; chez « Luther, verdammen, » maudire.

La variété de ces traductions augmente mes doutes et je me pose la question : que signifie et que peut signifier le mot grec κρίνω, employé chez les deux évangélistes et le mot καταδικάζω, employé chez Luc, qui, d’après l’avis des connaisseurs, écrivait un grec assez correct ? Comment traduirait ces mots un homme qui ne saurait rien