Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/98

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Mais, après avoir lu attentivement les commentaires, je compris comment l’impossible était devenu un fait.

C’est la même histoire que celle des commentaires sur les mots : Ne jugez point, ne vous mettez pas en colère, ne violez pas les liens conjugaux.

Nous avons organise notre ordre social, nous l’aimons et le considérons comme sacré. Vient Jésus, que nous reconnaissons Dieu et qui nous dit que notre organisation est mauvaise. Nous le reconnaissons Dieu, mais nous ne voulons pas renoncer à notre organisation. Que faut-il donc faire ? Ajouter là où on peut les mots « sans cause » pour rendre anodin le règlement contre la colère ; mutiler le sens d’une loi et lui donner une signification contraire, comme le font les plus audacieux prévaricateurs, en sorte qu’au lieu de : « Le divorce est absolument défendu », cela devienne : « Le divorce est permis ». Et là où il n’y a aucune possibilité de mutiler, comme dans les mots : « Ne jugez point et ne condamnez point », et dans les mots : « Ne jurez aucunement », on agit avec effronterie, on viole ouvertement la règle, tout en affirmant qu’on l’observe.

Et, en effet, l’obstacle principal pour comprendre que l’Évangile défend toute espèce de serment se trouve dans ce fait, que nos docteurs pseudo-chrétiens font prêter serment avec une audace inouïe sur l’Évangile même. Ils font jurer les hommes par l’Évangile, c’est-à-dire qu’ils font juste le contraire de ce qu’enseigne l’Évangile.

Comment viendrait-il à l’esprit d’un homme à qui l’on fait prêter serment sur la croix et l’Évangile, que la croix n’est sacrée que parce que l’on y a crucifié celui qui défend de jurer ; et qu’il baise comme une