Page:Tolstoï - Qu’est-ce que l’art ?.djvu/128

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gloire extraordinaire de ces deux hommes, Baudelaire et Verlaine, reconnus aujourd’hui, dans l’Europe entière, comme les plus grands génies de la poésie moderne. Comment les Français, qui ont possédé Chénier, Lamartine, Musset, et surtout Hugo, qui ont eu tout récemment encore les Parnassiens, Leconte de Lisle, Sully-Prudhomme, etc., comment ont-ils pu attribuer une aussi énorme importance et décerner une gloire aussi haute à ces deux poètes, si imparfaits dans la forme, et si vulgaires et si bas dans le fonds de leurs sujets ? La conception que se faisait de la vie le premier des deux, Baudelaire, consistait à ériger en théorie le plus grossier égoïsme et à remplacer la moralité par un idéal, d’ailleurs assez nuageux, de la beauté, et d’une beauté toute artificielle. Baudelaire faisait profession de préférer un visage de femme peint au même visage avec son teint naturel ; des arbres en métal, et l’imitation de l’eau sur la scène lui plaisaient davantage que de vrais arbres et de l’eau véritable. La philosophie de l’autre poète, Verlaine, consistait dans la plus vile débauche, la confession de son impuissance morale, et, comme antidote contre cette impuissance, l’idolâtrie catholique la plus grossière. Et d’ailleurs tous les