Page:Tolstoï - Qu’est-ce que l’art ?.djvu/129

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deux avaient cela de commun que non seulement ils manquaient tout à fait de naïveté, de sincérité, et de simplicité, mais qu’en outre ils étaient remplis d’affectation, de contentement de soi, et de recherche de l’excentricité. Dans leurs meilleures productions, on retrouve toujours plutôt M. Baudelaire ou M. Verlaine que l’objet dont ils sont censés s’occuper. Et ces deux mauvais poètes ont fondé une école, et traînent à leur suite des centaines d’imitateurs. Cela est, en vérité, étrange : et la seule explication que j’y voie est celle-ci ; c’est que l’art de la société où se produisent les œuvres de ces poètes n’est pas une chose sérieuse, importante pour la vie, mais un simple amusement. Or tout amusement finit par ennuyer, à force de se répéter. Et ainsi, pour rendre de nouveau supportable un amusement dont on est fatigué, il est nécessaire que l’on trouve quelque moyen de le rafraîchir. Quand on a assez du boston, on imagine de jouer au whist ; quand on a assez du whist, on essaie de la préférence ; quand on a assez de la préférence, on tâte de l’écarté, etc. Le fond de l’occupation reste le même : seules les formes changent. Et il en va de même dans cet art : sa matière, à force de se limiter de plus en plus, s’est