Page:Tolstoï - Qu’est-ce que l’art ?.djvu/242

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produites toutes deux dans notre société. L’organe de l’art se trouvant perverti, la société des classes supérieures a été privée de toutes les actions que cet organe avait pour fonction d’accomplir. En se propageant parmi nous dans des proportions énormes, des contrefaçons de l’art, destinées uniquement à amuser et à distraire les hommes, et, à côté d’elles, des œuvres plus artistiques, mais d’un art particulier, exclusif, inutile ou nuisible, ont atrophié ou dénaturé, chez la plupart des hommes de notre société, la faculté de ressentir la contagion des vraies œuvres d’art ; et par là notre société s’est trouvée empêchée d’éprouver ces sentiments supérieurs, vers lesquels a toujours tendu l’humanité, et que seul l’art pouvait transmettre aux hommes.

Tout ce qui s’est fait de bon dans l’art, tout cela reste étranger pour une société privée du moyen d’être émue par l’art ; et à la place de cela, cette société admire de mensongères contrefaçons, ou un art inutile et vain, qu’elle se plaît à tenir pour très important. Les hommes de notre temps et de notre société admirent, en poésie, les Baudelaire, les Verlaine, les Moréas, les Ibsen et les Maeterlinck ; en peinture, les Manet, les Monet, les Puvis de