Page:Tolstoï - Qu’est-ce que l’art ?.djvu/52

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de ces recherches est affaire de raison pure, la seconde de raison pratique. Mais en sus de ces deux moyens de perception, il y a encore la capacité de jugement, qui peut produire « des jugements sans concepts et des plaisirs sans désirs ». C’est cette capacité qui est la base du sentiment esthétique. La beauté, suivant Kant, est, au point de vue subjectif, ce qui plaît d’une façon générale et nécessaire, sans concept et sans utilité pratique. Au point de vue objectif, c’est la forme d’un objet plaisant en tant que cet objet nous plaît sans aucune préoccupation de son utilité.

Des définitions analogues ont été données de la beauté par les successeurs de Kant, parmi lesquels figure Schiller (1759-1805). Mais tout autre déjà est la définition de Fichte (1762-1814). Celui-là soutient que le monde a deux faces, étant d’une part la somme de nos limitations, et d’autre part la somme de notre libre activité idéale. Sous la première face tout objet est défiguré, comprimé, mutilé, et nous voyons la laideur ; sous la seconde face nous percevons les objets dans leur plénitude et leur vie intimes, nous voyons la beauté. Aussi la beauté, pour Fichte, ne réside-t-elle pas dans le monde, mais dans « l’âme belle ».