Page:Tolstoï - Qu’est-ce que la religion.djvu/84

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marque pas ces hommes, qui, méprisés de tous, humiliés, passent tout à fait inconnus, — comme chez nous dans l’exil, dans les prisons, dans les bataillons disciplinaires, — mais ils existent et c’est par eux que se maintient la vie raisonnable, humaine.

Et quelque petit que soit le nombre de ces hommes religieux, eux seuls peuvent déchirer et déchireront ce cercle vicieux dans lequel sont enfermés les hommes. Ces hommes peuvent faire cela parce que tous les désavantages et les dangers qui empêchent un homme ordinaire de s’élever contre l’ordre actuel de la vie, non seulement n’existent pas pour eux mais augmentent leur ardeur dans la lutte contre le mensonge et dans la profession par les paroles et les actes de ce qu’ils considèrent comme la vérité divine. Si l’homme religieux appartient aux classes dominantes, non seulement il ne voudra pas cacher la vérité pour les avantages de sa situation, mais au contraire, dédaignant ces avantages, il emploiera toutes les forces de son âme à s’en délivrer pour la propagation de la vérité, puisque dans sa vie il n’aura déjà plus d’autre but que de servir Dieu. Et s’il appartient aux classes asservies, de même renonçant au désir commun à tous les hommes, d’améliorer les conditions de sa vie matérielle, il n’aura pas d’autre but que de remplir la