Page:Tolstoï - Résurrection, trad. Wyzewa, 1900.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
190
RÉSURRECTION

— Je vais vous faire conduire au parloir des femmes, bien qu’il me soit défendu de laisser sortir personne d’ici avant le signal. Mais, une autre fois, ne vous trompez plus !

— Sidorov ! — cria-t-il à un gardien tout couvert de médailles, arrive ici et conduis monsieur au parloir des femmes !

Le gardien ouvrit la porte, qui était fermée à double tour, fit sortir Nekhludov dans le corridor, le ramena dans la grande salle voûtée, puis, par un autre corridor, le conduisit au parloir des femmes.

Ce parloir, comme l’autre, était divisé en trois parties par deux grillages ; et, bien qu’il fût sensiblement plus petit, et que le nombre des visiteurs y fût moindre, les cris y étaient peut-être plus assourdissants encore. Là aussi, entre les deux grillages se tenait l’autorité, mais représentée cette fois par une surveillante également en uniforme, avec des galons sur les manches, des revers bleus et une ceinture de la même couleur. Et, tout comme dans l’autre parloir, d’un côté se cramponnaient au grillage des visiteurs libres, vêtus des façons les plus diverses ; de l’autre, se tenaient les prisonnières, la plupart en costume blanc, avec des fichus blancs sur leurs têtes. Pas une place libre sur toute la largeur du grillage. Et, du côté des visiteurs, l’encombrement était tel que plusieurs femmes étaient forcées de se dresser sur la pointe des pieds pour crier par-dessus la tête des personnes qui se trouvaient devant elles.

Lorsque Nekhludov se fut un peu accoutumé au vacarme de la salle, son attention fut attirée par la haute et maigre figure d’une bohémienne qui, au centre du grillage, du côté des prisonnières, expliquait quelque chose, avec des gestes rapides et d’une voix criarde à un visiteur en veste bleue, un bohémien aussi, debout de l’autre côté. Près de ce bohémien se tenait un jeune paysan à la barbiche blonde, qui, rougissant, semblait faire effort pour retenir ses larmes. Il écoutait ce que lui disait une jolie prisonnière en face de lui, et celle-ci, tout en parlant, le considérait tendrement de ses grands yeux bleus. C’était Fenitchka avec son mari.