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CHAPITRE XV


À son réveil, le lendemain matin, Nekhludov revit d’un seul coup tout ce qui lui était arrivé le jour précédent ; et, de nouveau, l’épouvante s’empara de lui.

Mais il avait beau être épouvanté : il se sentait plus résolu que jamais à poursuivre l’œuvre entreprise, quelles qu’en fussent les conséquences.

C’est dans cette disposition que, vers neuf heures, il sortit de chez lui pour se rendre chez le vice-gouverneur Maslinnikov. Il voulait lui demander l’autorisation de s’entretenir, dans la prison, non seulement avec la Maslova, mais aussi avec le fils de cette vieille dont la Maslova lui avait parlé. Et puis, il y avait encore la créature qui lui avait écrit la veille, la Bogodouchovska : celle-là aussi, il essaierait d’obtenir l’autorisation de la voir.

Nekhludov connaissait depuis longtemps Maslinnikov. Il l’avait connu au régiment, où le futur vice-gouverneur était trésorier-payeur. C’était alors un honnête et consciencieux officier, ne voyant et ne voulant voir rien d’autre au monde que son régiment et la famille impériale. Il avait ensuite quitté l’armée pour l’administration, sur les instances de sa femme, personne très riche et très adroite, qui rêvait pour lui, dans le service civil, un avancement plus brillant.

Cette femme se moquait de son mari et le cajolait, le traitant comme un petit chien apprivoisé. Nekhludov était allé lui faire visite l’hiver précédent ; mais il l’avait jugée si dénuée d’intérêt que jamais, depuis, il n’était retourné chez elle.

Il retrouva Maslinnikov exactement pareil à ce qu’il