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RÉSURRECTION

Son récit intéressait vivement Nekhludov, qui ne connaissait de cette histoire que ce que la Maslova lui en avait rapporté. Tarass, malheureusement, se trouvait déjà trop loin du début pour que Nekhludov pût décemment l’inviter à recommencer. Il apprit du moins de quelle façon les choses s’étaient passées après l’empoisonnement, quand les parents de Tarass avaient découvert le crime de Fédosia.


II


— Toute la faute vient de moi, et c’est pour mon châtiment que je raconte la chose ! — dit Tarass, en se tournant vers Nekhludov d’un air repentant. — Le malheur vient d’avoir trop parlé ! Donc, mon frère, tout s’est tout de suite trouvé découvert. Alors voilà que la vieille dit à mon père : « Va, — qu’elle lui dit, — chez le chef de police ! » Mais mon père, voyez-vous, est un vieux qui craint Dieu. « Fais plutôt la paix, vieille ! — qu’il dit. — La pauvre femme n’est encore qu’un enfant. Elle-même n’a pas su ce qu’elle faisait. Avoir pitié d’elle, voilà ce qu’il faut faire ! Peut-être qu’elle se repentira ! » Mais, bah ! ma mère n’a rien voulu entendre. — « C’est cela, — qu’elle a dit, — tu veux que nous la gardions ici pour qu’elle nous empoisonne, nous aussi, comme des araignées ! » Et alors elle alla s’habiller, mon frère, et la voilà partie pour chez le chef de police. Et celui-là, tout de suite, a flairé une bonne affaire ! Il est arrivé chez nous et a emmené Fédosia !

— Eh bien ! — Et toi ? — demanda le jardinier.

— Moi, vois-tu, j’étais là à avoir des coliques, et à vomir ! Tout mon ventre était sens dessus dessous, impossible de dire un seul mot. Et tout de suite on a attelé la télègue, pour conduire Fédosia au bureau de police. Et elle, mon frère, elle a aussitôt tout avoué ! Elle a dit et où elle s’était procuré le poison, et comment elle avait préparé les beignets. « Mais, — qu’on lui