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CHAPITRE IX


Accompagné par le soldat, Nekhludov se retrouva de nouveau dans la sombre cour, où luisaient, de place en place, les feux rouges des lanternes.

— Où vas-tu ? demanda un gardien, debout sur le perron du bâtiment central.

— Dans la cinquième salle, — répondit le soldat.

— On ne passe pas par ici, c’est fermé ! Il faut faire le tour.

— Et pourquoi est-ce fermé ?

— Le gardien-chef est sorti et a emporté la clef.

— Eh ! bien, faisons le tour ! Venez par ici !

Le soldat conduisit Nekhludov vers un autre perron, à travers un véritable marécage de boue. On entendait toujours, à l’intérieur du bâtiment, le même bruit continu de voix et de rires. Et à peine Nekhludov fut-il entré qu’à ce bruit se mêla pour lui le son des chaînes remuées, en même temps qu’une lourde puanteur emplissait ses narines.

Ces deux sensations, le son des chaînes et la puanteur, étaient devenues familières à Nekhludov depuis qu’il fréquentait le monde des détenus ; mais, ce soir-là comme dès le premier jour, elles agissaient sur lui d’une façon irrésistible, lui donnant une étrange impression d’étouffement à la fois physique et moral.

Dans le corridor du bâtiment central, le premier spectacle qui s’offrit aux yeux de Nekhludov fut celui d’une femme qui, les jupes relevées, était assise sur le